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Un dimanche sans messe…

Chers frères et sœurs,  S’il y a une chose qui définit les chrétiens, c’est bien d’aller à la messe le dimanche. La vie chrétienne n’est pas que cela, bien sûr : être chrétien c’est se laisser habiter par le Christ et la puissance de son Esprit dans toute sa vie. Mais justement ! Pour se laisser ainsi transformer par Dieu… nous avons besoin de l’eucharistie. Comme le dit le Concile Vatican II, l’eucharistie est « source et sommet de toute la vie chrétienne » (Lumen Gentium 11).



Comment ne pas se dessécher

Comment pouvons-nous alors vivre cette période de confinement, où aller à la messe n’est pas possible ? Comment ne pas se dessécher si nous ne pouvons aller boire à la source ?

Une première chose que je voudrais noter : cette situation est passagère. C’est un temps – nous ne savons pas combien de temps. Ce temps de privation nous fait penser, bien sûr, à la période de Carême dans laquelle nous sommes, et à la notion de jeûne : être privé de quelque chose pour un temps. « Des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors, ce jour-là, ils jeûneront » (Mc 2, 20). Jeûner, c’est se priver en particulier de nourriture… « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » dit Jésus (Jn 6, 55), et de cette nourriture, vous êtes privés pour le moment. L’expérience de l’Église nous enseigne qu’être privé de quelque chose pour un temps est bon ; c’est le sens du jeûne qui nous est proposé pendant le Carême.

Importance de l'eucharistie

Mais alors, ce « jeûne eucharistique » qu’impose la situation de confinement actuelle, qu’apporte-t-il donc de bon pour nous ? Le manque creuse le désir ; et le désir que nous ressentons, nous fait mesurer l’attachement que nous avons à ce qui nous manque. Peut-être y a-t-il à expérimenter, en ce temps de confinement, en ce temps de Carême, en ce temps de jeûne, l’importance que revêt l’eucharistie pour nous. Et à redire au Christ combien nous l’aimons et désirons le recevoir.

De ce point de vue-là, pensons aussi aux personnes qui, pour différentes raisons, ne peuvent pas communier habituellement : à cause de la situation de leur pays ou de leur communauté, de leur situation personnelle... Ces personnes auraient beaucoup à nous apprendre sur la spiritualité eucharistique. Elles savent s’associer à l’eucharistie et s’offrir avec le Christ, mais sans communier. Prenons la phrase entière du Concile dont j’ai cité un passage : « Participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, les fidèles offrent à Dieu la victime divine et s’offrent eux-mêmes avec elle ».

S’offrir au Christ, lui présenter nos vies et le monde, pour qu’il offre tout au Père dans l’offrande de lui-même : voilà la démarche que nous faisons le dimanche à la messe. Voilà ce que nous sommes invités à vivre, autrement, ces jours-ci. Pour ce faire, nous vous donnons et vous donnerons dans les prochains jours des éléments, textes, vidéos, liens vers différentes initiatives pastorales en ligne… Nous espérons que tout cela vous aidera à vivre ce Carême si particulier. Vous trouverez aussi une prière intitulée « Acte de communion spirituelle », qui vous aidera à vivre avec foi et amour ce « jeûne eucharistique ».

 

La communion

Il y a bien d’autres aspects dans la messe du dimanche : je pense à la communion, au sens du rassemblement de toute la communauté, qui se retrouve pour former le Corps vivant du Christ. La messe du dimanche est aussi pour nous le lieu de la fraternité, de la charité… Au contraire, ces jours-ci, nous nous sentons dispersés, chacun confiné chez lui, isolés les uns des autres. Là encore, puissions-nous découvrir par ce « jeûne imposé » l’importance de la vie de notre communauté ! Peut-être y aura-t-il à renforcer ces liens de fraternité, à les vivre de façon plus intense, dès que nous pourrons à nouveau nous réunir pour célébrer l’eucharistie ensemble.

Mais en attendant ce jour, d’ores et déjà, nous pouvons veiller les uns sur les autres par la prière, et vivre de cette communion spirituelle à laquelle nous croyons : « Je crois en l’Esprit-Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints ». Que l’Esprit nous guide dans ce désert, et que notre prière se fasse plus fervente. L’Esprit nous conduira aussi à manifester notre proximité avec nos familles, nos amis, nos anciens, nos voisins, avec les personnes isolées ou fragiles : pensons à téléphoner, à envoyer des messages, à prendre des nouvelles… Que notre charité se fasse inventive ! Saint Paul écrit aux Thessaloniciens : « Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père » (1 Th 1, 3).

Pour tenir dans cette espérance, veillons surtout, dans notre prière, à écouter la Parole de Dieu. Cela, nous le faisons d’habitude à la messe, le dimanche : mais l’absence de messe ne nous empêche pas de lire, d’écouter la Parole, peut-être même de la partager en famille comme on partage le pain. « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4) : la Parole de Dieu saura nous nourrir. On peut se sentir confinés, « enchaînés » à la maison, « mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu », comme le dit Saint Paul (2 Tim 2, 9). De ce point de vue-là, il n’y a aucun jeûne, aucune restriction ! Nourrissons-nous de la Parole.

« Je veux méditer sur tes préceptes et contempler tes voies.
Je trouve en tes commandements mon plaisir, je n'oublie pas ta parole. 
Je tends les mains vers tes volontés, je les aime, je médite sur tes ordres.
Rappelle-toi ta parole à ton serviteur, celle dont tu fis mon espoir.
Elle est ma consolation dans mon épreuve : ta promesse me fait vivre.
Si je n'avais mon plaisir dans ta loi, je périrais de misère.
Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route.
J'ai le désir de ton salut, Seigneur : ta loi fait mon plaisir.
Que je vive et que mon âme te loue ! »
 (quelques versets du Psaume 118)

L'eucharistie est toujours célébrée

Enfin, je voudrais vous dire une chose très importante : l’eucharistie est toujours célébrée. Dans le monde, et dans notre paroisse, les prêtres célèbrent la messe. Vous ne pouvez pas y venir, nous ne pouvons pas la célébrer avec nous, et nous en souffrons tous… mais sachez que nous la célébrons, quotidiennement, la messe, pour vous. Je peux même vous dire que c’est une expérience spirituelle très forte pour nous, prêtres. C’est vrai, à chaque fois qu’une messe est célébrée, nous savons bien que ce mystère est infiniment plus grand que nous, plus vaste même que notre communauté rassemblée ; l’eucharistie est véritablement aux dimensions de l’amour même du Christ… Mais tout cela, nous le ressentons peut-être plus vivement ces jours-ci. Car en votre absence, nous sentons que nous nous tenons debout face à Dieu pour vous, en votre nom à tous, pour lui offrir votre prière, et plus largement, la prière de toute l’Église : la prière pour les malades, pour les soignants, pour les familles, pour les personnes seules, pour tous ceux qui souffrent sans aucun soutien, la prière de tous ceux qui voudraient être là, et même celle de ceux qui ne savent pas ou n’osent pas prier… La prière du monde… Ainsi, quelque chose d’essentiel à notre vocation de prêtres se redécouvre à nous de façon inattendue.

Sachez-le, frères et sœurs : vous êtes dans notre prière, chaque jour. Priez aussi pour nous, s’il-vous-plait. Que Dieu fasse grandit la communion entre nous, dans son amour !

 

p.Corentin Sanson 


Prière pour ce temps où je ne peux pas participer à l'eucharistie

Acte de communion spirituelle 

Seigneur Jésus, je crois fermement que Tu es présent dans le Saint Sacrement de l’Eucharistie. Je T’aime plus que tout et je Te désire de toute mon âme. « Après toi languit ma chair comme une terre assoiffé» (psaume 62). 

Je voudrais Te recevoir aujourd’hui avec tout l’amour de la Vierge Marie, avec la joie et la ferveur des saints. 

Puisque je suis empêché de Te recevoir sacramentellement, viens au moins spirituellement visiter mon âme. 

En ce temps de carême, que ce jeûne eucharistique auquel je suis contraint me fasse communier à Tes souffrances et, surtout, au sentiment d’abandon que Tu as éprouvé sur la Croix lorsque Tu t’es écrié : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ». 

Que ce jeûne sacramentel me fasse communier aux sentiments de Ta Très Sainte Mère et de Saint Joseph quand ils T’ont perdu au temple de Jérusalem, au sentiments de TSainte mère quand elle Treçut, sans vie, au pied de la Croix. 

Que ce jeûne eucharistique me fasse communier aux souffrances de Ton Corps mystique, l’Église, partout dans le monde où les persécutions, ou l’absence de prêtres, font obstacle à toute vie sacramentelle. 

Que ce jeûne sacramentel me fasse comprendre que l’Eucharistie est un don surabondant de Ton amour et pas un dû en vue de mon confort spirituel. 

Que ce jeûne eucharistique soit une réparation pour toutes les fois où je T’ai reçu dans un cœur mal préparé, avec tiédeur, avec indifférence, sans amour et sans action de grâce. 

Que ce jeûne sacramentel creuse toujours davantage ma faim de Te recevoir réellement et substantiellement avec Ton corps, Ton sang, Ton âme et Ta divinité lorsque les circonstances me le permettront. 

Et d’ici là, Seigneur Jésus, viens nous visiter spirituellement par Ta grâce pour nous fortifier dans nos épreuves. 

Maranatha, viens Seigneur Jésus. 

Prière composée par Mgr Centène, évêque de Vannes