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P. Corentin : homélie du 4ème dimanche de Pâques

« Les brebis écoutent ma voix ». Quel bonheur pour nous d'entendre la voix de notre berger. En ce dimanche, laissons-nous toucher, attirer par cette voix que nous connaissons (« les brebis connaissent ma voix ») et que nous aimons. 

Bernadette Lopez
Bernadette Lopez


Dimanche du bon pasteur

 La voix du Seigneur, nous l’aimons et l’entendre fait notre joie, comme la voix d’une personne qui nous est chère nous réjouit.

En ce temps sans eucharistie, ne boudons pas notre plaisir d’écouter la voix du Seigneur. Écouter cette voix, méditer l’Écriture est une grâce… Prenez le temps, frères et sœurs, avant ou après de regarder nos homélies, de lire, méditer l’Écriture, d’écouter la voix du Seigneur.

 

L’évangile d’aujourd’hui est un texte d’une grande tendresse. Le découpage du passage que nous donne la liturgie est un peu décevant… Il faudrait prendre le passage en entier, et aller jusqu’au verset 21 pour entendre « Je suis le Bon Pasteur » - phrase qui, bizarrement, n’est pas dans le passage liturgique.

Le Bon Pasteur : voilà une image de grande tendresse donc, mais c’est aussi une figure très ancienne que Jésus reprend, et accomplit (« Je ne suis pas venu abolir mais accomplir »). Pour en savourer toute la richesse, faisons un petit retour sur la figure du pasteur dans la Bible.

Le pasteur est une image commune pour le peuple d’Israël, qui est au départ de civilisation pastorale et nomade. Plus largement, dans l’Orient ancien, les rois se considéraient eux-mêmes comme des pasteurs, à qui les dieux avaient confié le troupeau.

En Israël, la métaphore du pasteur et du troupeau est utilisée souvent pour décrire la relation entre Dieu et son Peuple (comme dans le fameux Ps 22 que nous entendons aujourd’hui, par exemple : « Le Seigneur est mon berger »). Cette image est également utilisée pour qualifier les chefs du peuple, comme Moïse, Josué, ou David. Mais dans la bouche des prophètes, elle sert aussi à dénoncer les mauvais guides d’Israël, qui ont parfois laissé les brebis se perdre et se disperser.

On attend donc en Israël que le Seigneur reprenne en main le troupeau. Qu’il envoie enfin le pasteur définitif de la fin des temps, le nouveau David. C’est l’espérance qu’on trouve chez Ezéquiel par exemple.

Si l’image du pasteur est commune, utilisée à la fois pour Dieu et pour ses envoyés, le titre de pasteur est plutôt réservé à « celui qui doit venir » ; le messie qu’on attend de la part de Dieu.

C’est en cela qu’il est très fort que Jésus se présente lui-même comme le Bon Pasteur. Il affirme ainsi son identité de messie. Il assume donc la signification profonde du pasteur ; il s’inscrit de façon décisive dans la promesse de Dieu, en se présentant comme celui qui accomplit l’espérance du peuple d’Israël.

En se disant Pasteur, Jésus s’applique les deux aspects que cette figure exprime : le Pasteur est à la fois le chef, et le compagnon ; celui qui guide, et celui qui marche avec ; celui qui est fort, qui défend, qui a l’autorité, et celui qui est doux, qui aime et qui soigne.

C’est tout cela qu’est Jésus, tout cela qui se dégage de toute sa vie, de toute sa personne, de tout l'Evangile, et qui se trouve ramassé dans cette image, dans ce titre de Pasteur.

 

Quatre points

Je voudrais souligner quatre choses qui se dégagent de ce Bon Pasteur qu’est Jésus.

 

1. Jésus est un pasteur qui mène vers la liberté. C’est ce qui signifie l’image de la porte, qui est une ouverture, qui permet d’entrer et de sortir, d’aller et de venir librement. Cette idée de liberté, de pasteur qui ouvre la liberté à ses brebis, Jésus l’oppose à la figure du mercenaire, du bandit, ou du voleur, qui utilise les brebis pour son propre intérêt. Un guide pour la liberté… Il y a là quelque chose dont nous devons témoigner aujourd’hui : beaucoup ne comprennent pas la liberté qu’il y à croire en Jésus, à suivre Jésus, à se laisser guider par lui. Ils se représentent la foi (« la religion ») comme un carcan, comme un système d’interdit, ou – au mieux – comme une référence culturelle un peu lourde et dépassée… Au contraire, nous savons vers quels prés d’herbe fraîche intérieurs le Bon Pasteur nous mène… Et nous savons aussi que bien des aspects de notre société proposent, comme le dit souvent le Pape François à la jeunesse, de fausses libertés qui emprisonnent et asservissent, au lieu de rendre libre pour aimer, comme le fait Jésus.


2.  Jésus est un pasteur qui mène vers la vie. « Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ». Chacun peut, là aussi, se rappeler comment la présence du Seigneur dans son existence le fait vivre ; chacun peut mesurer la fécondité du Christ et de son amour dans sa vie personnelle. On peut regarder sa vie et voir les trésors de grâces, de relations, de force, de consolation, de joie et d’amour que Jésus nous a apporté et nous apporte toujours. Et pour cela, laissons-nous entraîner à lui rendre grâce. 


3. Jésus est un pasteur qui créé l’intimité avec nous. Pas un pasteur lointain, anonyme, ou pour qui nous serions un numéro. Le Bon Pasteur appelle les brebis par leur nom, chacune, parce qu’il les aime et les connait ; et les brebis, elles, ne s’y trompent pas, elle connaissent et reconnaissent sa voix. La paix, la joie, la douceur, l’amour et la liberté intérieures qui sont la signature de la présence du Christ et de son Esprit : voilà la voix que nous écoutons, que nous aimons par-dessus tout le brouhaha du monde. Cette intimité entre la brebis et le Pasteur, à écouter attentivement la voix de Jésus, nous comprenons qu’elle est du même ordre que l’intimité qui relie Jésus lui-même à son Père. C’est dans la force de cet amour-là que Jésus, notre Bon Pasteur, nous guide.

 

4. Enfin, je voulais souligner tout simplement la grâce que nous avons d’avoir un pasteur, c’est-à-dire quelqu’un pour nous guider. Nous savons combien certaines personnes sont perdues, ne sachant où aller, vers quoi se tourner, cherchant désespérément un point de repère… Quant à nous, nous avons un pasteur. Nous écoutons sa voix, et nous nous laissons guider. Nous ne sommes pas téléguidés : c’est à nous d’avancer. Et il arrive que nous ne percevions pas bien dans quelle direction la voix du Pasteur veut nous emmener… Il nous arrive même de nous sentir un peu perdus, peut-être… Mais nous savons que nous avons un pasteur. Nous savons que c’est lui qui est le chemin, que nous pouvons toujours retrouver le filet de voix de celui qui nous appelle pour reprendre la route dans la bonne direction. Toujours, nous l’entendons nous dire « suis-moi ». Jamais il ne nous abandonne. Pour ici-bas déjà, et pour l’au-delà, il nous donne un cap, une orientation sûre et belle, celle de la vie en abondance… C’est un don extraordinaire, d’avoir ainsi un guide, un pasteur : rien n’est plus précieux.


En rendant grâce aujourd’hui, en ce dimanche du Bon Pasteur, pour Jésus, nous pouvons aussi prier pour ceux qui ne le connaissent pas, pour ceux qui le cherchent, pour ceux qui sont perdus… Que la voix du Bon Pasteur les attire !... Et c’est aussi à nous qu’il revient, par notre témoignage, de faire retentir sa voix d’amour.

 

Frères et sœurs, en ce dimanche où nous sommes encore séparés, chacun chez soi, comme un troupeau dispersé, prions le Bon Pasteur. Qu’il nous rassemble bientôt dans l’unité. Qu’il avive toujours en nous le désir d’écouter et de suivre de sa voix. Et qu’il nous comble en abondance de sa vie et de son amour. Amen.

p. Corentin Sanson