Ce lépreux est ‘intouchable’, car il serait peut-être contagieux. Mais pas forcément, car ce mot biblique ne désigne pas la lèpre d’aujourd’hui, mais toute maladie de peau contaminante ou
pas.
Et la Loi par prudence l’oblige à s’écarter de la vie des hommes : « Le lépreux habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp » (Lévitique 13, 46). A la fois le rejet social et relationnel se construit, ainsi que le rejet religieux, car s’il doit crier ‘impur’, c’est qu’il est exclu religieusement du temple et non médicalement. Il peut prier personnellement certes, mais il ne peut participer aux offices du Temple, devant être ‘confiné’ à l’écart.
maladie de peau
Une maladie de peau : parlez à quelqu’un qui a une maladie de peau, visible quand des tâches apparaissent… il se cache, couvre ses parties malades, en a honte (surtout si c’est le visage), voudrait s’arracher la peau, tellement ça le défigure, ça le gratte peut-être. La maladie lui ‘colle à la peau’. L’écrivain Paul Valéry disait : « Ce qu'il y a de plus profond dans l'homme c'est la peau. » Pourquoi aujourd’hui les soins de la peau ont-ils une telle importance ? La peau, c’est bien notre profondeur !
C’est dans cette situation d’être ‘mal dans sa peau’ que la rencontre avec Jésus se fait… Celle-ci est religieuse, même si le lépreux vient pour guérir. Les termes sont clairs : il tombe à ses genoux… Jésus étend la main (rite de don de l’Esprit saint), etc… Jésus n’est pas un thérapeute, mais un homme de Dieu dont la puissance rend la vie. Quand Jésus se révèle à quelqu’un comme Dieu le fait, il ne fait pas que l’enseigner, il lui rend la vie, la joie d’exister, libre et heureux : ‘cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle’… la peau devient celle d’un enfant : « Si vous ne redevenez pas comme un petit enfant… » dit Jésus.
notre véritable lèpre
Est-il devenu plus croyant pour cela ? on ne le sait pas. Mais Jésus sait que notre véritable lèpre, c’est le manque de foi, d’espérance et d’amour, bref le péché, d’où la demande express : « Attention, ne le dis à personne ! » Tant que Jésus n’est pas entré dans son chemin de Croix, tout signe est ambigu, car on peut en rester à la guérison physique et pas entrer dans la guérison spirituelle : « Les juifs demandent des signes, mais nous prêchons un Messie Crucifié » dit saint Paul. C’est le sens de ce ‘secret messianique’ que Jésus demande aux personnes guéries : la Passion, comme ‘amour crucifié pour nous’ n’est pas encore passée par là. Le Lépreux est certes heureux d’être guéri, mais « Heureux est l’homme dont la faute est enlevée et le péché remis… que le Seigneur soit votre joie, hommes justes » (psaume 31).
P. Jean Michel Moysan