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Carême 2021 : quand des hommes et des femmes découvrent la croix du Christ

Voici des témoignages de chrétiens proposés par le P. Jean Michel Moysan. Une invitation à se laisser toucher par leur foi, et à approfondir la nôtre.



Madeleine Delbrel, née en 1904, se convertit à 20 ans, décide d’être assistante sociale au contact des pauvres dans la ville communiste d’Ivry sur Seine, et meurt en 1964.

La Croix n'est facultative ni pour le monde ni pour nous. La Croix acceptée et la Croix prise sont la part majeure de notre travail. Ce travail de la Croix est, lui aussi, un état de fait en nous : « Vous êtes crucifié avec le Christ. » C'est notre travail de base, le reste vient ensuite. « Celui qui veut être mon disciple, qu'il prenne sa Croix » et, seulement après, « qu'il me suive ».

C'est dans le Christ crucifié que le monde est sauvé en puissance et c'est à un monde souffrant et qui restera souffrant que nous avons à donner la joie du Christ. Sauver le monde ce n'est pas lui donner le bonheur. C'est lui donner le sens de sa peine et une joie " que nul ne peut lui ravir ".


Edith Stein, né en 1891, philosophe, juive, découvrant le Christ suite à une lecture de Thérèse d’Avila et baptisée en 1922 , entre au Carmel de Cologne en 1933, déportée et morte à Auschwitz en 1942. Elle décrit ici sa première rencontre avec le Christ :

« Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec cette force qu’elle confère à ceux qui la portent. Pour la première fois, l’Église, née de la Passion du Christ et victorieuse de la mort m’apparût visiblement. Au moment même mon incrédulité céda, le judaïsme pâlit à mes yeux, tandis que la lumière du Christ se levait en mon cœur.

La lumière de la Croix saisie dans le mystère de la Croix. C’est la raison pour laquelle, prenant l’habit du Carmel, je voulus ajouter à mon nom celui de la Croix » (Cité par E. de Miribel dans Edith Stein, pp. 55-56, Seuil, 1954).


Guy Gilbert, né en 1935 en Algérie, prêtre, éducateur de jeunes délinquants

« Je vois d’innombrables croix pendre à des oreilles ou décorer des poitrines ! croix fétiches, croix souvenirs, croix porte-bonheur… le Seigneur doit bien se marrer là-haut en voyant que son signe est présent partout sans que ceux et celles qui le portent y attachent la moindre signification religieuse. Si nous savions la force religieuse de la croix dans nos vies de chrétiens !  Il est urgent pour nous d’en retrouver la signification.

Si tu places un crucifix dans ta chambre, regarde-le et prie-le. N’en fais pas un objet décoratif ou un gri-gri traditionnel. Qu’il soit au contraire une croix devant laquelle vous vous agenouillez, que vous adorez et que vous portez. Beaucoup de saints passaient des jours et des nuits en contemplation face à la croix. Ils l’adoraient et trouvaient des lumières extraordinaires sur la signification chrétienne de la souffrance. Sachons que le Seigneur nous portera dans toutes les situations les plus difficiles de l’existence »

(Vie de combat et d’amour, p. 92)


 

Christian de Chergé, né en 1937, moine, ancien prieur des moines de Tibhirrine, en Algérie, assassiné avec six de ses frères en 1996.

 

 

 

« La méditation » justement, c’est une femme assise, les yeux fermés, et le livre à mi-sein, c’est cela que j’appelle l’oraison. Donc dans la disponibilité à l’Esprit, je dis que là, c’est le lieu du Fils. Le Fils est celui qui est tourné vers le Père et dans le désir de l’Esprit. Et l’oraison nous met dans le Fils, avec le Fils…

Mais quand on est dans ce lieu, nous devons affronter le silence de Dieu. Et, entre parenthèses, je crois qu’on ne peut pas affronter le silence de Dieu si on ne s’exerce pas au silence personnel, parce que, à ce moment-là, le silence de Dieu nous paraîtra invivable et nous allons le remplir de notre bruit, nous allons lui faire dire des tas de choses… et puis c’est à ce moment là que, dans le silence de Dieu, l’Esprit saint va venir nous rendre le Verbe.

Et peut-être que chacun de nous en a fait l’expérience : quand nous acceptons d’être là et de n’avoir rien : rien à dire, rien à faire, sinon croire. Un jour vient, on ne sait trop comment, du fond de notre être, un cri, et ce cri, il est nôtre… et ce cri, je crois que chacun de nous, pour peu qu’il ait écouté et vécu ce courage du silence, doit pouvoir dire un jour : j’ai reçu cela et ça, c’est moi.

(Retraite sur le Cantique des Cantiques, Nouvelle cité, p. 84)


Henri Nouwen, né en 1932, prêtre, enseignant en théologie, écrivain de livres de spiritualité, termine sa vie dans une communauté de l’Arche, auprès d’Handicapés. Il est mort en 1996

 

La maladie, la mort, la brisure humaine… tout cela doit être caché, car cela nous empêche de profiter du bonheur auquel nous aspirons. Ce sont des obstacles sur la route qui mène au but de notre vie. La vision offerte par Jésus contredit cette vision du monde. Par ses enseignements et par sa vie, Jésus nous montre que la véritable joie est souvent cachée au beau milieu de notre peine et que la danse de la vie trouve ses origines dans la douleur. Il affirme : « Si le grain de blé ne meurt pas, il ne peut pas porter de fruit… si nous ne perdons pas notre vie, nous ne pouvons pas la trouver ; si le Fils de l’homme ne meurt pas, il ne peut pas envoyer son Esprit » (Jean 12, 24-25). Aux deux disciples découragés par ses souffrances et sa mort, il dit : « Hommes sans intelligence, comme vous êtes lents à croire tout ce qu’on annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi pour entrer dans sa gloire (Luc 24, 25-26)

Une toute nouvelle façon de vivre nous est révélée ici. Il s’agit de vivre en étant capables d’accepter la douleur, non pas par désir de souffrir, mais en sachant qu’il en naîtra quelque chose de neuf… la croix est devenue le symbole le plus puissant de cette mission. La croix est devenue le symbole de la mort et de la vie, de la souffrance et de la joie, de la défaite et de la victoire. C’est la croix qui nous montre le chemin.

(Chemin de passion, chemin du monde, DDB, p. 190)