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« Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous »

« Vous êtes anthropophages, vous les chrétiens » m’a-t-on dit une fois.  « Vous mangez le corps du Christ et vous buvez son sang !»  Je ne sais plus ce que j’ai répondu à ce féru d’ethnologie. J’avoue que ça m’a secoué et ça m’a amené à réfléchir !



‘corps et âme’

Pour comprendre, référons-nous au dernier repas de Jésus. Ce soir-là Jésus sait qu’il va être livré… son corps malmené par les soldats, son dos fouetté, l’épaule meurtrie par la croix, son visage maculé de crachats, ses mains et ses pieds cloués, la soif le tenaillant, et la mort au bout de la route…  C’est tout lui-même qui souffrira, qui se donnera, ‘corps et âme’ le vendredi ‘le soir où il fut livré’ (1 Co 11). Ce pain qu’il partage la veille c’est lui qui déjà intérieurement se livre à Dieu, et se donne aux disciples gratuitement, librement : « Ma vie, nul ne l’a prend, mais c’est moi qui la donne » (Jean 10, 18)

c’est vraiment lui qui se donne à nous

Pourquoi ne pas avoir dit ‘ceci est moi-même livré pour vous’… cette étrangeté de la mention ‘mon corps livré’ nous dérange et nous fait dire ceci : comme le Christ s’est donné à ‘corps perdu’, ou ‘corps et âme’ à Dieu son père sur la croix… il se donne aujourd’hui encore à nous ‘tout lui-même’. Hier, tout lui-même, c’était son corps physique. Après la résurrection, tout lui-même, c’est son ‘corps spirituel’ (1 corinthiens 15). Quand nous communions, nous nous nourrissons de ce ‘corps spirituel’ qui est le Christ vivant (et non un mort). Comprenez-vous ? C’est obscur ! Mais accueillons : c’est vraiment lui qui se donne à nous et par là nous demeurons en lui : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en Lui » (Jean 6) 

 

c’est de l’amour !

‘Ceci est mon sang versé pour nous’ donne un autre accent de l’eucharistie. C’est le sacrifice (dans l’ancien testament) où le sang d’un animal coulait pour nous purifier des péchés et nous rétablir en lien (alliance) avec Dieu: « Moïse prit le sang, et il le répandit sur le peuple, en disant : Voici le sang de l'alliance que l'Eternel a faite avec vous selon toutes ces paroles. » (Exode 24, 8) Or il est dit dans le Nouveau testament : «Il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés» (Hébreux 10,4). Que faut-il alors pour que l’alliance soit rétablie ? Que quelqu’un s’offre ‘en chair et en os ‘ : « Sacrifice et offrande, tu n’en a pas voulu, mais tu m’as façonné un corps… et j’ai dit : ‘voici je viens… pour faire, o Dieu, ta volonté. » (Hébreux 10)  Pour le Christ, la volonté de Dieu passe par la vie donnée par amour jusqu’au sang ‘pour nos péchés’ et en ‘buvant son sang ‘ (Jean 6), nous buvons à la « source d’eau vive » (la samaritaine en Jean 4), qu’est le Christ vivant, non celle d’un corps mort !

Comprenne qui pourra ! Lorsqu’elle regarde son enfant qu’elle aime, une maman ne dit-elle pas : ‘Je le dévore des yeux’… est-elle pour cela anthropophage ? Non, c’est de l’amour !

P. Jean Michel Moysan