· 

« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi ». (Matthieu 5, 43)

Continuons à approfondir la logique nouvelle de notre Maître Jésus : « On vous a dit… moi je vous dis ! »

Jésus aborde le point qui fâche : l’amour des ennemis ! « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » (verset 44).



réelle contradiction ?

D’abord y-a-t-il une réelle contradiction entre ce que dit l’Ancien Testament et ce que dit Jésus ? Les études bibliques (chrétiennes et juives) mettent beaucoup de nuances sur ce point. Beaucoup de textes de l’Ancien Testament ne demandent pas de ‘haïr les ennemis’. Au contraire : « Tu  ne haïras pas ton frère dans ton cœur… Tu ne vengeras pas » (Lévitique 19, 17). Le Sage Ben Sira dit la même chose : « Celui qui se venge éprouvera la vengeance de l’Éternel qui tient un compte rigoureux des péchés. Pardonne à ton prochain ses torts, alors, à ta prière, tes péchés te seront remis. Si un homme nourrit de la colère contre un autre, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? » (Si 28 : 1-3) 

Dieu est Amour pour tous

Alors pourquoi un tel texte : ‘Et tu haïras ton ennemi’ ? Grâce à la découverte des manuscrits de la mer Morte, les biblistes nous ont appris que la secte de Qoumran (probablement essénienne) tenait ce type de discours : « Il est ordonné d’aimer tous les fils de lumière, chacun selon son lot dans le conseil de Dieu, et de haïr tous les fils de ténèbres » (Règle de la communauté 1 : 9-10 ; 9 : 21-22)

Cela signifie que Jésus ne veut pas créer une secte, mais des disciples animés d’un amour qui s’ouvre à tous, car « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Tout cela parce que Dieu est Amour pour tous. C’est cette veine de l’Ancien Testament que Jésus enseigne.

Certes, d’autres veines contraires existent valorisant la vengeance : « Tes adversaires profanent ton nom : ils le prononcent pour détruire. Comment ne pas haïr tes ennemis, Seigneur, ne pas avoir en dégoût tes assaillants ? Je les hais d'une haine parfaite, je les tiens pour mes propres ennemis ». (Psaume 138, 21-22)

Un beau commentaire juif de Rabbi Yossef Bekhor Chor (XIIe s.) dit : « Le Saint béni soit-il dit à l’homme : Que l’amour que tu éprouves pour Moi vainque la haine que tu éprouves pour lui (ton ennemi) et viens-lui en aide, au nom de mon amour » (Commentaire sur Ex 23 : 5 trouvé dans un article de Rivon Krygier). 

 

notre Maître

Mais sur ce point, quel est le propre de la foi chrétienne ? C’est la personne de Jésus. Il a vécu cet amour jusqu’au bout : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Ayant traversé le torrent de haine, il nous sauve de la difficulté énorme de pardonner à ceux qui nous en veulent ! C’est notre Maître, il nous faut lui faire confiance et le suivre jusque là.

 

P. Jean Michel Moysan, curé