· 

80 ans de la fin d’Auschwitz… Mais où était Dieu ?

La question revient souvent et on conclut : Dieu n’est pas intervenu et a abandonné son peuple !  Peut-on encore s’appuyer sur lui ?… un rescapé des camps disait« Je pense que le seul fait qu’Auschwitz ait existé devrait interdire à quiconque, de nos jours, de prononcer le mot Providence », écrit ainsi Primo Levi (1919-1987) dans Si c’est un homme (1947).

Que répondre sur le ‘silence’ de Dieu, car il en va de la crédibilité de Dieu ? Pour cela, il nous faut, regarder la vie du monde avec les yeux de  croyants en Dieu et non en philosophe. Le psaume 139 nous donne une piste : « J'avais dit : ‘Les ténèbres m'écrasent !’ mais la nuit devient lumière autour de moi. Même la ténèbre pour toi n'est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière ! » (v.11)

Où était Dieu dans la Shoah ? Il était caché dans la fragilité des petites lumières au cœur de la boue ! dans la foi active de prisonniers (ils croient envers et contre tout) et dans la bonté déployée dans ces lieux de morts, qu’ils croyaient au ciel ou qu’ils n’y croyaient pas ! la fragilité de Dieu se donnant dans la foi, l’espérance et la charité !

Citons Etty Hillesum (1914-1943), qui mourra à Auschwitz, priant Dieu en ces termes : « Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous… » (prière du dimanche 12 juillet 1942, texte extrait d’Une vie bouleversée)

Citons Saint Maximilien Kolbe donnant sa vie en échange de celle d’un père de famille, de la carmélite Edith Stein affrontant les camps en solidarité avec son peuple. Rappelons les messes dites dans les baraques. « Le fait de recevoir des sacrements a permis à des chrétiens de survivre », abonde Adrien Louandre dans ‘Dieu n’est pas mort en enfer. Les chrétiens dans les camps nazis’. 

Dans un colloque récent sur ‘Dieu et la shoah’, il est dit ceci : « Dans les communautés juives, le constat est tout autre : « On ne voulait plus parler de religion au retour des camps », relate le Grand rabbin de Strasbourg, Harold Weill » (La Croix, 18 mars 2023)

L’épreuve peut écraser la foi d’hommes les plus religieux et l’annihiler. La foi peut aussi se réveiller … C’est pourquoi il ne faut jamais crier victoire dans l’enfer ! la lumière de foi est fragile, comme Dieu est fragile, le bien est fragile, l’amour est fragile. Il nous faut communautairement nous soutenir à croire dans l’amour de Dieu caché au cœur des tènèbres ! c’est le rôle des frères en Eglise !

 

+ Père Jean-Michel MOYSAN, curé